L'économie circulaire, un concept amené à se développer (©visuel)
Définition du concept
La définition de l'économie circulaire n’est pas stabilisée à ce jour. Il s’agit d’un concept économique qui s'inscrit dans le cadre du développement durable et dont l'objectif est de produire des biens et des services tout en limitant la consommation et le gaspillage des matières premières, de l'eau et des sources d'énergie.
L’économie circulaire se définit en opposition au concept d’économie linéaire dominant, caractérisé par la formule « extraire-fabriquer-jeter » sans préoccupations relatives à la raréfaction des ressources et à la production de déchets. L’économie circulaire ne doit cependant pas être limitée au bouclage des flux et à la valorisation des déchets.
Il ne s’agit pas seulement de fabriquer de nouveaux produits avec de la matière recyclée mais aussi d’économiser de la matière dès les phases de conception en modifiant les modes de production, en allongeant la durée de vie de la matière, en inventant de nouveaux modèles de ventes, et en développant des synergies avec des partenaires économiques de proximité(1).
Un modèle vertueux
Le processus de production ne suit plus un schéma linéaire classique mais un circuit, un cycle vertueux dont les flux entrants et sortants forment un écosystème fermé.
Modèle de l’économie linéaire
Le modèle linéaire qui prévaut depuis la révolution industrielle est confronté aujourd’hui à ses limites face à la raréfaction des ressources, aux impacts environnementaux et à l’augmentation de la population mondiale.
Schéma d'économie linéaire (d'après « L'économie circulaire », Rémy Le Moigne, éditions Dunod)
Modèle de l’économie circulaire
Les acteurs de l’économie circulaire développent des stratégies de coopération dont l’intérêt est de réaliser des économies de ressources quantifiables notamment grâce à la valorisation des déchets et à l’optimisation des flux d’énergie.
Schéma d'économie circulaire (d'après « L'économie circulaire », Rémy Le Moigne, éditions Dunod)
L’économie circulaire est caractérisée par différents principes fondateurs qui concourent à minimiser le recours aux ressources non renouvelables et à réaliser des économies d’énergie au cours des différentes phases du processus :
- l’écoconception : conception économe en ressources favorisant la réparation, le démontage et le recyclage, tout en conservant les qualités et les performances intrinsèques d’un produit ;
- l’écologie industrielle : optimisation et substitution des ressources « matière » et « énergie » employées dans le cycle de production (schéma ci-dessus) ;
- la réutilisation : réparation ou démontage de pièces en état de fonctionnement ;
- le recyclage : réutilisation des matières premières issues des déchets.
L’économie circulaire qui valorise les circuits courts de production et de consommation implique la coopération entre tous les acteurs économiques à l’échelle d’un territoire, bien au-delà des industriels.
En France, le Commissariat général au développement durable estime que la totalité des déchets générés pourraient apporter près de 40 % du besoin en « matières » de l'économie de notre pays. A l’heure actuelle, seules 42% des matières premières de recyclage (MPR) sont utilisées(2).
Un modèle à appliquer à l’échelle d’un territoire : une zone industrielle, une ville, un département, etc.(3)
Le modèle circulaire s’inspire du fonctionnement des écosystèmes naturels pour recréer à l’échelle du système industriel une organisation caractérisée par un usage optimal des ressources et un fort taux de recyclage de la matière et de l’énergie.
Concrètement, il s’agit d’inciter les acteurs économiques à développer des synergies, de sorte à réutiliser localement les résidus de production et mutualiser certains services et équipements. L’objectif est de tendre vers des circuits courts et un bouclage des cycles des flux physiques à l’échelle des territoires, et ainsi de limiter globalement la consommation de ressources et les impacts environnementaux. Ce modèle intéresse donc les entreprises mais aussi les acteurs publics et les citoyens, en particulier les collectivités locales, dans le cadre de leurs politiques de développement durable.
Les principaux leviers sont :
- La valorisation / l’échange de flux industriels (déchets et coproduits, vapeur, chaleur, eaux industrielles, etc.).
- La mutualisation de moyens et de services (gestion collective des déchets, logistique, transports et achats groupés, plans de déplacements…)
- Le partage d’équipements ou de ressources (moyens de traitement/valorisation des déchets ou effluents, compétences, emplois en temps partagés, espaces communs, etc.)
Mise en œuvre et bonnes pratiques
Dans le domaine des activités industrielles liées à l‘énergie
Aux côtés du maître d'œuvre Bouygues, EDF s’est engagé en 2012 à alimenter un quartier de Roquebrune-Cap-Martin près de Menton (Alpes-Maritimes), comprenant 279 logements autonome en chaleur. EDF récupérera les calories rejetées par la nouvelle station d'épuration de la ville et valorisera la chaleur dégagée par les logements. Ils consommeront 70 % d'énergie renouvelable tout en diminuant leurs charges de 700 euros par logement par an.(4)
Le cimentier Lafarge a inauguré en 2013 un nouvel atelier de valorisation des déchets solides broyés qui permettra à son usine de Saint-Pierre-La-Cour, en Mayenne, d’être alimentée à plus de 50% par des combustibles alternatifs. Loin d’être isolée, cette initiative s’inscrit dans une stratégie globale qui s’inspire de l’économie circulaire. Depuis quatre ans, le premier cimentier du monde a mis en place une direction « écologie industrielle » avec pour objectif de réduire sa dépendance énergétique en valorisant les déchets. L’énergie représente environ un tiers du coût de revient du ciment pour le groupe Lafarge.(5)
Dans le B2B
Ricoh(6) : Au terme de leur programme de location, photocopieurs et imprimantes sont inspectés, démontés et passent par une restauration complète – remplacement de composants clés et mise à jour de logiciels – puis réintègrent le marché avec le label GreenLine, garantissant la fiabilité et l’efficacité des appareils neufs. Ricoh vise à réduire ses besoins en ressources de 25% d’ici 2020 et de 87.5% dʼici 2050 par rapport à son niveau de 2007.
La startup Carbox, créée il y a cinq ans, a développé une offre d'autopartage au service des entreprises et des collectivités et propose des voitures de fonction, complétées d'un crédit mobilité permettant au bénéficiaire de financer ses déplacements personnels en train, taxi ou location de voiture.
Dans le B2C
Signe des temps, de grandes enseignes, comme Intermarché et Boulanger, se sont également lancées récemment sur ce créneau en proposant de louer des appareils électroménagers et électroniques.
A travers le monde
L’Allemagne et les Pays-Bas, sont les deux pays réputés être les plus performants en matière de recyclage des déchets et notamment d’analyse de cycle de vie.
Le Japon, pays le plus souvent associé au concept des 3R (réduction, réutilisation et recyclage) en matière de gestion des déchets promeut le concept de « sound material-cycle society » avec une loi cadre associée (2000).
La Chine a promulgué en 2008 une loi de promotion de l’économie circulaire.
Le Royaume-Uni a développé depuis 2002 le programme NIPS (Programme National de Symbiose Industrielle) qui permit de détourner plus de cinq millions de tonnes de déchets des sites d'enfouissement, d'économiser près de huit millions de tonnes de matériaux vierges au Royaume-Uni, tout en évitant l’émission de plus de cinq millions de tonnes d'émissions de carbone dans l'ensemble de son réseau industriel
Les pays scandinaves ne sont pas en reste avec notamment au Danemark l’un des plus vieux exemples d’économie circulaire : la symbiose industrielle de Kalundborg.
Schéma de la symbiose industrielle, état en 2010. Légende flux : rang chronologique, nature du flux, année de mise en place (©D'après Christensen, 2010)
Ressources économisées (en comparaison aux ressources consommées avant le développement du projet de Kalundborg, selon un sourcing classique)(9) :
- Eau souterraine :1,9 million m3/an
- Eau de surface : 1,0 million m3/an
- Pétrole : 20 000 t/an
- Gypse : 200 000 t/an
Gains économiques :
- Investissement : 75 millions US$
- Économies annuelles : 15 millions US$
- Économies 1980-1998 : 160 millions US$
- Retour sur investissement : max. 5 ans
Un modèle qui émerge du fait de ressources non infinies
Tirée par l'émergence de nouvelles économies et par l'augmentation de la population, la dynamique de croissance a progressivement conduit à une concurrence accrue sur les ressources et à une détérioration de leurs conditions d’accès (quantité, qualité, prix). Il est devenu stratégique, pour l'ensemble des acteurs économiques, d’améliorer la gestion et l’efficience des ressources et de sécuriser l'approvisionnement sur le plus long terme.(7)
Au cours du 20e siècle, le monde a multiplié sa consommation de combustibles fossiles par 12. En 25 ans, le volume des ressources extraites a augmenté de 65 %. Selon l’OCDE, il était de 60 milliards de tonnes en 2007 et pourrait atteindre les 100 milliards en 2030, si les tendances actuelles se poursuivent(8).
Sur le marché des matières premières, la tension est tangible entre une offre contrainte et une demande de plus en plus importante. Les prix de toutes les matières premières, depuis 1990, évoluent à la hausse, de manière très volatile.
L’économie française a stabilisé sa consommation de ressources, mais cette relative stabilité est néanmoins biaisée par la délocalisation de certaines industries, très consommatrices de ressources ce qui aggrave son indépendance en matière d’approvisionnement.
L’économie circulaire s'inspire notamment de Michael Braungart et de William McDonough ou plus exactement de leur formulation de la théorie du berceau au berceau (« craddle to craddle »), formalisée en 2002. Le premier livre sur l'économie circulaire en langue française paraît en 2009 (« Économie circulaire : l'urgence écologique » écrit par Jean-Claude Lévy) et attire alors l'attention des écologistes et des médias.
En prévision d’un accès difficile aux ressources, les industriels lancent quelques initiatives pour les utiliser de façon plus efficace : ils réduisent leur production de déchets, limité leur consommation en eau ou conçu des produits plus économes en matériaux et en énergie. Cette optimisation des modèles industriels était nécessaire mais elle n’est plus suffisante. Les modèles économiques actuels vont finir par montrer leurs limites dans un monde aux ressources finies.
Les premiers retours d’expérience ont montré que ces nouveaux modèles de l’économie circulaire bouleversaient les équilibres à la fois à l’intérieur des entreprises, mais aussi au sein de leur chaîne logistique et se heurtaient à l’inadéquation du cadre législatif national et des politiques publiques. Ce qui est en jeu est le basculement vers l’économie circulaire à l’échelle de la planète.
Chiffres clés
Selon le cabinet McKinsey en 2013, l’économie circulaire permettrait de réaliser une économie nette minimale de 380 milliards de dollars par an en matières premières en Europe. A cette exploitation des ressources évitées s’ajoute la création de valeur positive, fondée sur la consommation relocalisée, le soutien à une activité industrielle et agricole sur les territoires et le développement de nouvelles filières dédiées à la réparation, au réemploi et au recyclage(10).
Selon le même rapport, la collecte systématique des déchets alimentaires ménagers, leur utilisation dans la production de biogaz et le retour des nutriments aux terres agricoles représente une réelle opportunité puisqu’une tonne de déchets alimentaires peut générer l’équivalent de 19,5 euros d’électricité, de 13,5 euros de chaleur et de 4,5 euros d’engrais
L’économie circulaire est porteuse d’emploi. En France, le secteur de la gestion des déchets représente plus de 135 000 emplois(11).
Le saviez-vous ?
Il existe une fuite (« fuite » est une expression utilisée par les professionnels du recyclage pour évoquer la volatilité du marché des produits recyclés vers le plus offrant, un peu comme la fuite des cerveaux ….attirés vers de meilleures rémunérations) des Matières Premières recyclées (MPR). Les pays émergents en sont très consommateurs. Les exportations françaises ont donc fortement augmenté, au point que certains acteurs s'inquiètent de cette "fuite", source potentielle de pénurie en France et en Europe.